vendredi 14 juillet 2017

Congo-Brazzaville : des fautes de français en cascade sur les affiches électorales(SUITE)



Nous continuons avec la seconde partie de notre article sur des campagnes électorales truffées de fautes de français au Congo-Brazzaville. Cette affaire qui a fait amuser les internautes congolais et indigner d’autres pendant plusieurs jours mérite notre attention pour comprendre pourquoi le niveau intellectuel de l’élite congolaise se meurt peu à peu.

Trouvez  l’erreur dans la photo ci-dessous.

Le faite(s) sur la photo, il manque le s et le "- " aussi il manque un accent sur DERRIÈRE.


Ici c’est un ministre du gouvernement qui a trouvé comme meilleur endroit pour sa publicité un panneau d’indication pour la circulation. On a l’impression de vivre dans un pays sans lois.


Trouvez  l’erreur dans la photo ci-dessus, un candidat du parti UPADS, le parti cher au professeur Pascal Lissouba.





Pour ERADIQUE LE PHENOMENE
                                                


Ici on ne sait pas si ce candidat se revendique en un transsexuel ou autre chose, car il accorde tout au féminin.

Ici les propriétaires de cette affiche s’insurgent contre la tendance des candidats suppléants qui plus tard postulent pour la succession de leurs députés.


Ce candidat du PCT emploie des abréviations du mot quartier, mais oublie de les accorder au pluriel.




                                             
                                               Trouvez  l’erreur dans la photo ci-dessous.



Au Congo on refuse systématiquement d’accorder le S aux mots législatives et élections.

Trouvez  l’erreur dans la photo ci-dessous. Ici il s’agît d’un candidat d’origine immigrée. Il jouit des prérogatives des facilités bureaucratiques que le Congo offre à tout le monde de se régulariser et bénéficier de tous les droits de citoyen. Mais il oublie que le Congo est un Etat laïque, en sollicitant le soutien des communautés musulmanes et ouest-africaines.

Le candidat Konaté Mamadou participe aussi au festival des fautes de français.


dimanche 9 juillet 2017

Une nuit du Festival de la Toronja à Cuba(Chapitre I)

page Facebook ghanés de Cuba, mozambicanos de Cuba, Burkinabés de Cuba




Aujourd’hui nous allons faire un peu d’histoire. Je vais vous raconter l’histoire du Festival de la Toronja(pamplemousse en espagnol), qui est aussi l’histoire de la pire bataille estudiantine que la Révolution Cubaine n’ait jamais connue. C’était la bataille entre les étudiants congolais et l’alliance des étudiants arabes composée par les Sahraouis et les Yéménites. Les autorités cubaines n’ont jamais voulu faire écho de cette histoire pour préserver la réputation de leur régime et société. Heureusement que j’étais l’un des acteurs de cet épisode et je suis là pour vous la raconter dans un style romanesque. Le récit se fera sur une série de trois chapitres.

Nueva-Gerona rénovée après le sinistre du cyclone Irma
Le 13 mars a toujours été une journée historique pour les Pineros—Désignation des habitants de l’Île de la Jeunesse(Cuba)—parce que c’est la célébration de la proclamation définitive de l’ancienne Île des Pins comme un territoire cubain(réclamé pas les USA), qui des années après s’appellera l’Île de la Jeunesse. Depuis, un carnaval de 5 jours se célèbre chaque mois de mars, sur toute l’étendue de l’île, pour célébrer cet événement.


Si pour les cubains de cette localité, ces 5 jours représentaient la fête et la bière, pour nous les anciens étudiants congolais de cette île, on se rappelle de notre victoire lors de la bataille contre les Arabes. Ce n’était qu’une histoire de la jeunesse, n’empêche qu’à l’époque c’était un événement grave et important que nous pouvons résumer en plusieurs chapitres et parties comme suit.

La première bataille


La première bagarre s’est déroulée le 13 mars 1989 vers 22 heures, sur la rue principale qui menait vers l’hôpital municipale de Nueva Gerona, avait bien opposé une cinquantaine de congolais contre un nombre de deux ou trois fois plus élevé de Sahraouis et de Yéménites.

Pour mieux comprendre, faisons un petit retour de l’histoire…


L'Esbec des élèves éthiopiens, la première à être inaugurée à l'île.
Vers la fin des années 70, Cuba était l’un des rares pays du continent américain qui avaient fait de l’Afrique une priorité pour sa politique internationale. Pour ce faire, la Havane avait signé des accords de coopération avec plusieurs pays africains dans plusieurs secteurs, dont la formation académique complète de futurs cadres. Fidèle Castro avait alors ordonné de construire 70 grandes écoles-internats, reparties dans toute l’île des Pins, pour accueillir les élèves de ces pays amis. C’est à partir de ce vaste projet que les autorités cubaines ont débaptisé cette île en lui donnant le nom actuel de l’Île de la Jeunesse. C’est une île qui est distante de la Havane de 5 heures de traversée en bateau ou de 45 minutes en avion.

Belle femme du Rwanda, Kenya, Yaoundé
Belle Africaine

Toutes ces écoles étaient construites selon un même modèle et plan. C’étaient des vraies cités dans des cités où l’on y trouvait presque de tout pour vivre : les dortoirs, cantines, cafétérias, terrains sportifs, salles des jeux, amphithéâtres et même des collines où l’on avait construit des galeries de refuges sous-terrains anti-nucléaires pour protéger les élèves en cas d’attaque nucléaire des États-Unis…

Les premiers centres à voir le jour étaient les 4 écoles angolaises, 4 pour les Mozambicains et une école éthiopienne qui furent toutes inaugurées en 1977. L’école des congolais a été inaugurée en 1979 par le président Denis Sassou Nguesso lui-même, qui venait juste d’accéder au pouvoir à Brazzaville. 

Congolais de Cuba, Conguitos, Burkinabés de Cuba, les enfants de Sankara
La première promotion des Congolais de Cuba en 1979

C’était la toute première génération de congolais à Cuba, avec près de 600 étudiants, qui allait se voir renforcer par des vagues successives des nouveaux arrivants à tous les deux ou trois ans. Ce système de bourses d’études complètement gratuit a pu bénéficier à 27 pays d’Afrique, Asie et l’Amérique latine de 1977 à la fin des années 90.

Mozambicains de Cuba
Des étudiants mozambicains se promenant dans les environs de leur école, l'Esbec # 7 à l'Île de la Jeunesse(Cuba).
@Courtoisie de la page Facebook de Gilson Washington Lombe


Parmi ces pays nous pouvons citer les nationalités les plus distinctives comme : la Guinée Bissau (qui étaient les meilleurs footballeurs), le Ghana (qui avaient les meilleurs résultats scolaires), le Nicaragua ou encore le Cap-Vert avec sa fameuse Esbec # 4, un vrai paradis de jolies demoiselles.


Le Festival de la Toronja et les étudiants étrangers


Cubana dans Gerona, Ghana, los ghanés de Cuba, Cameroun
Le Boulevard de Nueva Gerona, la capitale de l'Île de la Jeunesse(Cuba)

Quand venait le temps du Festival de la Toronja, les autorités municipales mettaient des navettes de transport à disposition des écoles internationales. Il y’avait une planification par tour de rôle pour que chaque école bénéficie d’une journée de navettes de bus. Le jour qui correspondait à votre école, une trentaine de bus scolaires arrivaient après l’heure du dîner pour ramasser tous ceux qui désirent aller en ville pour la fête. L’heure du retour à l’école était prévue pour 03 :30 A.M. En dehors de ces horaires, chacun devrait se débrouiller avec les moyens du transport public.

Escuela Kwame Nkrumah, Ghana in Cuba, Namibian students in Cuba
Des élèves ghanéens de Cuba pausent sur le pasillo aérien de leur école Kwamé Nkrumah.


Le Festival de la Toronja était la fête populaire de l’île et presque l’unique opportunité que nous avions, avec les Jeux sportifs d’été, de pouvoir se rencontrer et socialiser avec les autres communautés résidentes à l’île. Car généralement, nous ne sortions pas beaucoup de nos écoles, puis que nous étions bien souvent éloignées des centres urbains.


L’origine du conflit


Les origines du conflit entre les groupes protagonistes ne sont pas bien claires. Épris de jalousie, des étudiants sahraouis ou des yéménites voulaient protéger leurs filles des dragueurs congolais. En fait, on confondait beaucoup ces deux communautés arabes, à cause des apparences physiques, de la langue et aussi le fait qu’ils se tenaient toujours ensembles un peu partout.

étudiants sahraouis à Cuba
Des étudiants sahraouis se promenant sur le couloir central de leur Esbec, la Isla de la Juventud(Cuba)

En tout cas, cette nuit les Sahraouis avaient décidé d'engager un combat féroce contre les Congolais à cause d'histoires du cul. Dans la foulée, les Yéménites s’y sont mêlées aussi, peut-être par solidarité musulmane ou arabe, nous n’avions jamais su la raison.


Déclenchement de la bagarre


Le Ciné Caribe à Cuba, Angola, Benguela
Le Ciné Caribe, en face c'est le parc central où le gros du Festival de la Toronja se déroulait.

Cette nuit-là, les Arabes étaient très nombreux. C’était sûrement leur tour de bénéficier de la navette. Nous, les Congolais, avions déjà eu notre navette lors de la deuxième journée du festival. Donc seuls nos vrais passionnés du carnaval avaient décidé de faire le parcours du combattant pour fêter à Nueva Gerona(la capitale).

Playa Punta Francés, Cabinda, Angola, Pointe-Noire, Congo
La superbe plage Punta Francés(Île de la Jeunesse, Cuba), très populaire chez les touristes français.


Lorsque la bagarre se déclencha, les bâtons, les bouteilles et les cailloux se mirent à voler de toute part. Les Congolais furent très vite débordés par le grand nombre des Arabes qui, de plus en plus, frappaient avec une puissance qui stupéfiait tout le monde. Les gars ne faisaient pas de différences entre les garçons et les filles, ils bastonnaient tout le monde sur leur chemin.

Ce fut un grand soulagement pour les Congolais lorsque Bienvenu Thicaya « Tchik Zo », leur leader, donna l’ordre de battre en retraite. Le repli des enfants de Sassou Nguesso s’est fait de façon désordonnée, ce qui a créé un fort mouvement de panique dans les rangs congolais. « Mon gars, c’était le sauve qui peut, Dieu pour tous! » me racontait mon pote Fortuné Nanga, l’un des malheureux acteurs de la soirée.

Édifices de Nueva Gerona
C'est près de ces immeubles proches de l'hôpital de Nueva Gerona où s'est prolongé les affrontements

Plusieurs gars avaient reçu une vraie raclée, avant de voir l’intervention des premiers éléments de la P.N.R (Policía Nacional Revolucionaria). Les plus chanceux avaient pu se réfugier chez certaines familles cubaines du coin, tandis que le reste avait simplement pris la clé des champs. Pour ces derniers, le calvaire était encore loin d’être fini car le retour à l’école au pas du « Un-Deux »  était pénible. Ils ont marché pendant deux heures, dans l’obscurité, en empruntant la route principale qui menait vers le village La Victoria (au nord-est de l’île). Ce chemin rallongeait le trajet, mais au moins il leur permettait de contourner les montagnes des pins et les plantes de marabout, que l’on trouvait en abondance sur cette île.

Des ados de l'Esbec # 48 s'amusant au couloir supérieur de l'école.
Je rends hommage à Armel Yoka « Valer », Anicet Poaty Amar, Ghislain Koukouta, Arnaud Thibault Essereké, Kevin Mbou et le dur de Madingou, Abel Ngouada... Ces gars-là se sont battus avec un courage héroïque, en dépit de leur infériorité numérique. Mais ce n’était qu’une partie remise, puisque nous avions encore une chance de se reprendre le lendemain, le jour de la clôture du festival…


L’École du 5 Février 1979



Très tôt le matin, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre à l’école des Congolais.
 L'École du 5 février 1979, plus connue sous le nom de l'Esbec n ° 48, est rentrée en pleine ébullition au petit matin. C'était notre principal foyer à Cuba. Un mini-Congo de 1200 étudiants qui  comptait en son sein une école secondaire et un lycée pré universitaire. Là-bas on ne parlait que le lingala, la langue nationale. Cependant, l'enseignement était en espagnol et en français(pour certains cours).

Le couloir central de l'école 48 des congolais est dans un abandon total.
Courtoisie de la page Facebook de Manis Mieré

L'école fut construite à l'ombre d'une belle chaîne de montagnes couvertes de pins. Sur les côtés et la façade principale de l'école étaient entourées des champs de citron, dont les rangées des arbres paraissaient infinies. Sous l'ombre de ces longs arbres de pins, les garçons avaient construit de nombreux donjons pour pratiquer les arts martiaux et l'acrobatie (un art très répandu au sein des jeunes à Brazzaville).

aquaduc pour poissons à l'école du 5 février
La carte du Congo illustrée par des artistes cubains à l'école des Congolais de Cuba.
On peut bien apprécier le canal d'eau qui représente le fleuve Congo se jetant dans l'océan atlantique.
En fait, à cette époque-là il y avait trop de brimades à l'école. On vous brimait pour la nourriture, pour obtenir un meilleur emplacement du lit dans les dortoirs. Les gars se battaient pour les copines, pour un match de football ou encore pour un vilain regard etc. Il fallait donc  se préparer pour se faire respecter, sinon on vous faisait baisser les pantalons.

Vers 9 heures du matin, le sentiment général de tout le monde à l’école était que cette humiliation ne pouvait rester comme ça. Il fallait aller venger nos frères le soir, pour le dernier jour du festival. Après, il n’y aura plus d’autres opportunités.


La planification de la revanche


Nous avions besoin d’un grand nombre de gens pour essayer d’égaler le nombre des Arabes, surtout que leurs écoles se trouvaient tout proche du centre-ville. Donc ils avaient l’avantage du terrain et du nombre par rapport à nous. Nous avions du personnel pour répondre à ce défi, mais il y avait un souci et pas des moindres : comment transporter un nombre aussi important des volontaires pour se battre?

Matutino en Cuba, Facebook, Sahara, Maroc
Les étudiants sahraouis de Cuba font la montée des drapeaux avant le début des classes


Voyager loin pour aller fêter est une chose, mais voyager pour aller se battre en est une autre. Cependant, on s’est organisé en petits groupes d’amis pour récolter des sous et s’assurer que personne n’allait manquer d’argent pour prendre les bus du transport public. Pour le retour, ben on va tous se faufiler dans les rares bus mis en circulation à la fin de la fête ou bien louer plusieurs navettes de taxis.

ala docente esbex # 48, Angola, Congo, Caimaneros
Les salles de classe de l'école des Congolais à Cuba
@Courtoisie de la page Facebook de Manis Mieré

Nous avions reçu une mauvaise nouvelle au milieu de la journée : les élèves de la classe de Terminale, qui étaient les plus vieux et les plus forts de l’école, ne seront pas de la partie. Soucieux de préserver leurs futures carrières universitaires, ils n’ont pas voulu se mêler aux gamineries des ados.

Peu importe, cette défection de dernière minute ne pouvait pas miner notre détermination pour aller se battre. Nous pouvions toujours compter sur la présence des durs de moyens et petits calibres de l'école secondaire. En effet, nous avions des gars précieux comme Jonas Poungaloki, Guylain Gokaba «Taxi», Guy Opoukou « Stranger », Bruno Ibibi, Cyrille Ngossia "Selengué" et bien d’autres machines de guerre…

La Plaza de formaciòn de l'Esbec # 48 en ruines...
@Courtoisie de la page Facebook de Manis Mieré

À peine cinq mois en arrière, en été 88, toute l'école était allée au Congo pour trois mois de vacances entièrement financés par l'État Congolais. Beaucoup de gens avaient profité de ce voyage de ressourcement pour s'acheter des gros bras mystiques, avec des gris-gris de toute sorte pour se munir de forces surnaturelles.

Au retour du pays, on commençait à entendre plein d’histoires de mythes, comme celle de Freddy Gouabe qui s’était acheté la gifle du gorille. Quand il s’énervait, il suffisait qu’il plonge sa main dans la poche de son pantalon pour en ressortir un coup de poing  de diamètre trois fois plus grand que la normale.


Un autre c’était Christian Moumbou « Ngouété », ce gars qui avait ramené un pot de sable  recueilli d’un cimetière des fous. Avec un seul coup de tête, il vous envoyait visiter un hôpital psychiatrique. Guy Koula, alias " Guy Malela ", était allé jeûner, avec son grand-père, pendant plusieurs jours dans son village natal de Kibouéndé(120 km au sud de Brazzaville); gare à celui qui avait affaire à lui de retour des vacances… 

Olivier Bokou, alias "Kissinger" ou "Kishi", le gars mystique qui dans la noirceur de la nuit devenait invisible pour ses adversaires. Confiant de ses pouvoirs magiques, il avait pris un malin plaisir de faire des visites nocturnes dans les dortoirs des filles pour y faire des attouchements sexuels. Ses victimes étaient en quelque sorte paralysées par le sentiment d'un cauchemar, la peur ou la torpeur alimentée par un sommeil profond. 

C'est seulement lorsque "Kishi" avait finit son acte besogneux et s'en allait que les filles se rendaient compte de ce qui leur était arrivée. Les victimes voyaient toujours le dos d'un garçon de taille moyenne, musclé et torse nu, s'éclipser en marchant tranquillement dans le pénombre. Quand elles décidaient de crier à  l'aide et que nous descendions de nos dortoirs, le mystérieux visiteur lançait un cri du village et disparaissait simplement dans la nature. Tout de suite on activait un mécanisme de patrouilles dans les dortoirs des garçons, pour attraper ceux qui ne dormaient pas mais ce n'était que peine perdue. Pendant ce temps, Kishi se trouvait dans ses draps comme si de rien. C'était du pur vaudou africain!
Le style des chemises"Le Village" était très en vogue à l'Esbec # 48.

Un moment, ses visites nocturnes devenaient tellement récurrentes que les filles avaient fini par le surnommer "Le Village", à cause de sa culotte multicolore hawaïenne qu'il portait toujours avec lui pour commettre ses forfaits. Quand nous sommes revenus de vacances du Congo, ce style vestimentaire multicolore faisait fureur. Les gens appelaient ça Le Village

Il choisissait toujours soigneusement ses victimes parmi les plus jeunes filles, mais qui avaient déjà des formes corporelles bien arrondies. Une brigade spéciale de volontaires avait été mise en place par la direction pour traquer le délinquant sexuel invisible, mais il s'en moquait et la liste des victimes ne cessait de s’alourdir. Cette histoire accaparait tellement les nouvelles de l'école qu'un moment, plusieurs d'entre nous avions fini par croire que ces filles hallucinaient dans leurs imaginations. En effet, comment pouvaient-elles sentir qu'un être imposant abusait d'elles, mais ne pas être capable de crier à l'aide?

La seule fois que "Kissinger" avait oublié sa culotte fétiche et choisi de porter une autre, il s'était fait pincer. Un gars qui montait la garde, tout en passant la nuit avec avec sa copine, l'avait surpris au moment où il entrait dans un dortoir de filles pour commettre son e-nieme forfait.  Ses gris-gris et sa valise furent confisqués par nos éléments de discipline et il avait reçu une belle correction à la chicote. Cet acte a même failli lui faire expulser pour le Congo.

Que dire du footballeur Ley Loko qui avait ramené un fétiche qui lui offrait un boulet de canon mortel au football? Auparavant, le mec n’était qu’un défenseur central ordinaire. Mais du jour au lendemain il est revenu du Congo avec des jambes bien musclées. Avec son fétiche en ruban qu il attachait toujours au bras, comme un brassard de capitaine, Il commençait à marquer beaucoup de buts par des frappes lointaines et surpuissantes… Comment ne pas croire à ces mythes de fée, tellement qu’il y’avaient des évidences?

Les ruines de l'Esbec # 48(façade principale), l'école des Congolais à Cuba.
@Courtoisie de la page Facebook de Manis Mieré

Le 14 mars 1989 en question, j’étais proche de fêter mes 15 ans. Cet après-midi-là, avec quelques copains de ma gang, nous sommes allés nous entraîner dans notre donjon aménagé dans les pins. Pour économiser les énergies, nous n’avons que réviser les concepts de base d’autodéfense. Nous n’étions que des ados, mais nous croyions fermement en ce que nous faisons et en nos forces pour mettre en déroute l’adversaire. Je pense à Sylvain Onguiende, Serge Olingou, Kevin Massala, Martial Mampouma, Ghislain Mabiala "Mabe" ou le défunt Tsiba Éphrem « la machine ». Plus les heures passaient, plus la tension montait. Vu la motivation de certains gars, particulièrement conflictuels, j’ai donc dit à l’égard des Yéménites : « Bonne chance les mecs! ».


Avant de quitter l’école, avec mes amis nous avons pris des gorgées de rhum Bocoy pour réchauffer un peu le sang. Nos yeux étaient devenus rouges : nous étions prêts pour la bagarre, comme disait le musicien Zao. Nous avons emporté avec nous des chaines d'acier avec lesquelles nous sécurisions nos valises, des bombes au gel de poivre et des bâtons de Baseball. Nous ne transportions pas avec nous des armes tranchantes, car la violence fatale ne fait pas partie de notre culture au Congo. Nous faisons usage de la force physique et mystique pour frapper et se faire respecter, mais pas pour tuer personne.

Les lycéens de l'école 48. Ils n'avaient pas voulu se solidariser à la cause.
Avant de partir, nous avons reçu des précieux renforts de dernière minute. Certains doyens du lycée, en quête de forte sensations, n’ont pas voulu perdre ce genre de moment unique. Ils voulaient le vivre en personne et je vous assure qu’ils ne s’agissaient pas que de simples curieux, mais plutôt des durs de notre école. Je pense à Innocent Ngouolondélé, Marius Itieré, Bolowou Molleng, Christian Nganga « Dan Vadis » ou Dzabatou « Chien Chaud ».


C’était tout simplement excitant de voir tous ces gros bras laisser de côté leurs différends, pour unir leurs forces afin de défendre l’honneur de la patrie. Mais au fait, qui était l'ennemi? Le Yemen ou le Sahara Occidental?

« Aucune importance!» dira un Brice Dzangué surexcité. « Ils sont tous pareilles ces Arabes


À SUIVRE…. 

samedi 8 juillet 2017

Une nuit du Festival de la Toronja à Cuba(Chapitre II)



Voilà la suite d’une nuit du Festival de la Toronja, qui avait mise aux prises les étudiants congolais contre l’alliance des étudiants arabes du Sahara Occidental et du Yémen du Sud. Les autorités cubaines n’ont jamais voulu faire écho de cette histoire pour préserver la réputation de leur régime et société. Heureusement que j’étais l’un des acteurs de cet épisode et je suis là pour vous la raconter dans un style romanesque. Nous sommes au second chapitre d’une série de trois.

Nueva-Gerona, Île de la Jeunesse(Cuba).
Quand nous sommes arrivés en ville, il y avait plein de monde et des foires partout, on vendait des sandwiches au porc, des délicieux gâteaux que l’on appelait Pan de Gloria. La Pipa de cerveza(le camion-citerne à bière) aussi ne pouvait pas manquer. 

Nous vivions à une époque où les Cubains se croyaient encore dans les années 30 avec leur style vestimentaire atypique. Les hommes laissaient pousser la barbe avec beaucoup de cheveux au pur style afro, surtout les noirs et les métis. Plus on était barbu avec de cheveux touffus, plus on était un vrai macho. Ils aimaient les pantalons en jersey de laine élastique, serrés, qui s'ouvraient vers le bas comme des pattes d'éléphant. Les femmes aussi s'habillaient de la même manière, mais encore plus sexy avec toujours cette touche d'érotisme créole.

L'ancienne école des Bissau-guinéens(Esbec # 42) abandonnée dans ses ruines.

Les Cubaines de cette époque étaient super cool. Leur manière de vivre simple en faisait des compagnies agréables pour nous. A partir des années 90, les conditions de vie à Cuba ne cessaient de se dégrader et les différences sociales commençaient à se faire sentir entre eux. Nous percevions également des changements dans leurs attitudes à notre égard. Ils parlaient mal parlé de nous, ils ne voulaient plus nous servir dans les établissements de commerce publics etc. Beaucoup de cubains pensaient que notre programme (des écoles internationales) était l’un des responsables de leur situation économique. La vie devenait moins agréable pour nous.

Revenons à notre nuit de la Toronja, mon cœur commençait à battre la chamade. J’étais encore adolescent, mais j’étais bien conscient des risques liés aux bagarres de groupes. Je me suis mis à penser à ma famille restée au Congo. Pendant les vacances 88, mon père m'avait conseillé juste avant de reprendre l'avion. 

Il avait dit: « Mon fils, repars étudier et ne crains rien. J'ai mis à ta disposition tous mes diables pour te protéger!» … Il continue: « Ndzobi(un fétiche téké) est avec toi pour préserver tes études et ta santé. Le Cubain qui toucherait à un seul de tes cheveux ne verra que du feu et sa famille en pâtira.»
Des adolescents de l'École 48 des Congolais
Il m'avait remis une bouteille en plastic de 2 litres, remplie d'un liquide rougeâtre qui sentait très mauvais. C'était l'odeur d'un mélange du manioc fermenté avec une plante amère que l'on appelle chez nous le Congo BololoÀ chaque fois que je sortais de l’Esbec # 48, je déversais ce liquide sur moi en petite quantité pour ma protection.Je croyais tellement à cette protection occulte que je l'avais jalousement conservé jusqu'à son épuisement complet en 1995 quand j'étais à la Fac. 

Il faut comprendre que nous partions du Congo très jeunes, âgés entre 11 et 15 ans, pour suivre notre formation loin en Amérique. Nos parents prenaient donc des décisions délicates et courageuses de point de vue émotionnel.Le fétiche était devenu en quelque sorte le seul lien spirituel qui nous unissait avec nos familles et qui nous servait aussi d'instrument pour nous rassurer.


Aujourd'hui je ne sais pas si je peux dire que ce sont les « diables» de mon père qui m'ont guidé sainement dans ce pays si difficile durant 14 ans.


Les travaux dans les champs à tous les jours nous apporté des habiletés avec le maniement de la machette.
Durant mon long séjour à Cuba j'ai beaucoup sillonné les rues de cette grande île. J'ai pu me tirer de situations très dangereuses. Vous savez, Cuba de cette époque donnait l'illusion de ce que l'on voit dans des cartes postales. C'était cette île paradisiaque des Antilles, dont les eaux colorées de la mer se laissaient entrevoir de loin entre des longs palmiers. Il ressemblait à ce paradis de jolies femmes qui vous demanderez en mariage sans aucun intérêt, simplement par pur amour. La Cuba socialista de cette époque était un endroit ou l'on pouvait vivre sans stress de factures de loyer ni de l'Hydro, car le communisme assurait la gratuité de tous les services publics. Le pays de Castro, de cette époque,serait même plus sécuritaire que le Canada, car il n y avait pas de drogue ni de bandes criminelles...Mais tout cela n'était que du mensonge!

Cuba a toujours été un pays où c'est dur de vivre. On mourait de faim et c'était la galère! On s'échangeait des coups de poing pour un bol de riz. Certes le grand banditisme et les réseaux mafieux sont inexistants, contrairement aux autres pays de la région, mais dans la rue et dans les quartiers pauvres il existe une culture d’intolérance impressionnant. C'est une société de machos où les hommes vivent dans une espèce de compétitions permanentes. 

J'ai vu des gens se faire tuer pour un simple regard envers la femme d'autrui, pour une chaînette en or ou encore pour une discussion de match de Baseball...Un étudiant ghanéen de médecine a été tué à Santa Clara pour lui voler son vélo de montagne. Plusieurs étudiants angolais furent tués à Cuba. Les Angolais ont tellement compté leurs morts que nous avions fini par les surnommer les « cafards » à cause de leur propension à se faire tuer bêtement par les Cubains.
Un arrêt de bus de la ligne Gerona- Chacòn. Les arrêts de bus étaient l'un des lieux  de conflits d'intolérance à Cuba.

Quand j'étais à l'université, à Santa Clara, un jour je me suis battu avec un chauffeur de bus du transport en commun. Il est rentré rapidement dans son bus prendre une machette et j'ai fui. Il m'a poursuivi dans la foulée, j'ai heurté une dalle mal placée sur le trottoir et je suis tombé violemment sur le pavé cimenté. Une femme passait juste à côté avec sa fille dans la main et m'a crié: 
« Muchacho lèves-toi vite, ce fou va te tuer!». Malgré le choc de la chute, j'ai perçu la voix de cette dame comme celle de ma mère dans les songes. Lorsque je me relevais, un garçon en vélo depuis l'autre bord de la rue m'a lancé la pompe à air de son vélo, qui m'est tombé juste sur mon ventre comme un ange.


Plusieurs années après nous sommes devenus des universitaires. Ici c'est à l'École polytechnique des génies de la Havane(CUJUAE) prêt à défendre les couleurs du Congo au foot.
Sans hésiter, j'ai saisi la pompe et je l'ai lancé fort sur le visage de l'agresseur enragé, qui était déjà à 5 mètres de moi. Sa tentative d'esquiver la pompe a freiné brièvement sa course et m'a laissé une fraction de seconde pour me relever et fuir. 

J'étais trop rapide pour ce gros bonhomme.Mais je ne sais pas qui, des gris-gris de mon père, de la pompe à air du passant ou de mes réflexes de footballeur m'avait sauvé la vie ce jour-là. Un autre jour je suis monté dans son bus, il m'a reconnu et il était plus détendu cette fois. On a rit ensemble et on s'est fait des accolades pour enterrer la hache de guerre entre nous.



Dans la moyenne, les Congolais de Cuba étaient grands et des vrais athlètes qui n'avaient pas peur du défi.
Revenons à notre nuit du festival de la Toronja, la soirée était magnifique cette nuit-là. Il y'avait beaucoup de monde dans les rues du centre-ville de Nueva-Gerona. Les arabes étaient déjà très nombreux au carnaval. On aurait dit qu'ils savaient que nous viendrons prendre notre revanche. Ils étaient bien habillés et arrogants de regard, les garçons portaient des jolis jeans serrés, avec des fermetures de fantaisie ou des petites décorations.

Les élèves sahraouis de Cuba
Ils avaient des cheveux défrisés qui brillaient comme ceux de Michael Jackson de 1988. Ils se promenaient toujours en groupe très nombreux, contrairement à nous qui étions éparpillés par des petits groupes de 3 à 4 individus. On se regardait seulement à distance et avec méfiance, comme pour attendre qui va commencer la bagarre le premier.

La Plaza municipal, théâtre de la bataille. À l'époque il n'y avaient pas ces arbres et surfaces vertes. C'était juste un désert cimenté du pavé de marbre, avec des bancs tout autour.

Il était 19h00 quand le DJ du plateau principal du festival s'est mis à jouer le fameux morceau de l'orchestre Pedrito y Los Van Van, intitulé « Azucar», au délire de la foule. Le Parc Central El Pinero s'était transformé en une gigantesque piste de danse populaire. 

Plus la soirée s’avançait dans le temps, plus on voyait de nombreux contingents des congolais arriver au festival. La confiance ne faisait que se renforcer dans nos rangs. À partir de cet instant, tous les Congolais nous ne formions plus qu'une seule famille.Les consignes étaient claires depuis notre école: quand la bagarre allait se déclencher, les filles et les plus jeunes garçons (dont j'en faisais partie) devaient courir vite se mettre à l'abri sur l'esplanade du ciné Caribe, juste en face du Parc Central.
Une élève namibienne de l'Esbec # 15
Mais pour le moment l'heure n'était plus à la bagarre. Certains Congolais se sont fondus dans des longues files pour les pâtisseries et la bière pour se payer de quoi à manger et boire. D'autres se mirent à danser et draguer les filles. J'ai même vu des compatriotes rigoler avec des arabes sur la bagarre de la veille. Ils se mirent à plaisanter avec eux dans une ambiance bon enfant. 

J'étais soulagé de voir que la bagarre n'était plus à l'ordre du jour et que c'était la paix, car moi aussi je n'avais pas envie de me blesser pour des gamineries.


La Calle 39, la rue principale qui menait jusqu'à la Plaza. Au fond on remarque cloche de la seule église catholique de l'île.
Erreur! Car plus loin, en m'approchant du kiosk de vente des Hot-dogs, je vois un groupe de congolais qui avaient participé au combat de la veille et ne voulaient par digérer la défaite. Ils se mirent à discuter violemment avec des arabes qu'ils avaient reconnus. Ils étaient emmenés par Innocent Dzoksse, l'un de nos grands aventuriers de l'époque.

Des lycéens congolais de l'École # 48 en 1989.
Il était environ 02h du matin lorsque Sabin Avouambet administra une claque sèche à un Sahraoui. La pire bataille estudiantine de la Révolution venait de commencer. En une fraction de seconde, la bagarre s'est généralisée comme une traînée de poudre. Les coups de poings, les bouteilles, les bâtons se mirent à voler de toute part. Les filles hurlaient de partout dans la foule. Le Parque central s'est rapidement vidé, laissant la place libre aux gladiateurs. Les Angolais, les Mozambicains, les Burkinabés, les Ghanéens…et même les Cubains ont tous quitté. En effet, qui voulait rester là et manger une bouteille en pleine face?


Des élèves ghanéens de l'École # 22
Cette bataille m’avait appris une chose à propos de linstinct humain, car avant les cubains et les arabes aimaient dire que tous les noirs se ressemblaient. Mais ce soir-là, les arabes savaient exactement avec qui ils avaient affaire. Ils n’ont pas eu du mal à nous distinguer des autres communautés noires présentes au carnaval, malgré une présence beaucoup plus nombreuse de nos cousins angolais. C’est ce que l’on appelle linstinct de survie.


Les Angolais de l'École secondaire # 50 à l'heure du repas de midi.

Parmi nous,il y'avait un gars qui avait un spray du poivre de Cayenne qu'il avait ramené du Congo. Il les a aspergés dans les airs et je me suis retrouvé dans un état de panique, avec les yeux qui piquetaient fort, puis j'ai frotté les yeux avec mes vêtements.Les gens se plaignaient des brûlures aux yeux.

En rouvrant mes yeux, je vois un Oko Mesmin alias « Mezo Rambo» ivre de joie. Il tenait un bâton en main et demandait« Mais qui est sahraoui? Qui est yéménite?». Elvis Epenita lui répondit « Mobali, bossana wana. Ezala atâ bainki, boma mundele tika moyindo!» (Oublies ça mec, tu tues tout ce qui n'est pas noir y compris les cubains!). J'ai aussitôt couru vers l'esplanade du Ciné Caribe, là-bas j'ai retrouvé les filles et les plus jeunes garçons tel que prévu par les consignes du groupe. Tous on se mit à encourager nos compatriotes depuis l'esplanade.
Le Ciné Caribe avec ses estrades. C'était le refuge pour ceux qui n'étaient pas aptes pour la bataille. En face c'était la Plaza.

J'ai vu le défunt Jonas Poungaloki déferler sa puissance sur les arabes tel une machine de guerre. Ce mec avait une force brute incroyable, il faisait une parade avec son bras gauche et il enchaînait avec une droite, comme un marteau pilon. Avec deux gars par terre, plus personne n’osait se lancer contre lui.


Une gang de lycéens de l'École 48. Avec le signe de la victoire c'était Jonas Poungaloki "La Machine".

Sur un autre angle je vois Bezengué Abo Mathieu, le « Bombardier » de Souanké, avec son ami Obindi Fortuné, former un front commun pour foncer sur des Arabes avec des coups de pied bien articulés.

La conclusion du récit suivra très bientôt…