dimanche 13 avril 2014

CRISE DIPLOMATIQUE RDC-CONGO/ « MBATA YA BA KOLO EST UNE HONTE »




Depuis deux semaines, à Kinshasa comme à Brazzaville, l’opération dite « Mbata Ya Ba Kolo »- En lingala, la Gifle des Aînés » ne cesse de défrayer la chronique. On constate une escalade, verbale surtout, entre les populations originaires de chacun des deux pays  de plus en plus inquiétante. Cette opération controversée, déclenchée le 4 avril à Brazzaville et qui s’étendra sur tout le territoire congolais, est supposée lutter contre l’immigration irrégulière et le grand banditisme. Mais pour les citoyens congolais qui font preuve de bon sens, cette opération est une vraie honte. Le président Congolais, Denis Sassous Nguesso, devrait écouter la voix de la raison et faire cesser immédiatement cette opération, tout en limogeant le Général Ndenguet de ses fonctions de Chef de la Police nationale.



Nul ne doute que le Congo est un État souverain et que son gouvernement  a le droit d’adopter et de faire appliquer les règles de séjour sur son territoire. Il n’y a aucun doute aussi que la montée de la criminalité ces derniers mois à Brazzaville et à Pointe-Noire, les deux principale villes du Congo, est surtout liée à l’immigration venant de la RDC, de la Centrafrique, du Tchad, du Rwanda, dont plusieurs citoyens ont été interpellés dans les enquêtes ouvertes à l’issue de plusieurs cas d’homicide, viol, vol à main armé. Depuis l’opération de sécurité « Likofi », décrétée en RDC pour arrêter les bandits « Kulunas », plusieurs bandits se sont rabattus sur Brazzaville. Dans plusieurs quartiers de la capitale congolaise, l’on ne pouvait plus circuler librement après 18 h. Les bandits se livraient aux actes de racket, de viol, de vol à main armée etc...Cependant, cette opération a été menée de façon précipitée et irresponsable par les autorités policières.

Premièrement, selon les conventions diplomatiques, le gouvernement congolais aurait dû accorder un délai d’au moins 60 jours à tout ressortissant étranger en situation irrégulière de se faire régulariser ou de quitter simplement le territoire. Cette période de 60 jours en même temps aurait pu permettre aux autorités de la police et de l’immigration de bien planifier l’opération de rapatriement afin qu’elle ne prenne pas cette tournure dramatique.

Plusieurs cas de viol sur les femmes refoulées en été reportés, des hommes ont été aperçus avec des blessures physiques, signe d’une violence disproportionnée d’autant plus que la majorité des expulsés ne sont pas des bandits.  

Cette opération d’expulsions massives, aux allures de tragédie humaine, aura certainement des conséquences. Voyons ces conséquences :

Crise de confiance


Les deux pays sont étroitement liés par plusieurs facteurs comme l’histoire, la culture, les langues, les habitudes alimentaires et les déplacements transfrontaliers. Mais cette opération d’expulsions brutales des personnes et des familles, dont certaines étaient logées au Congo depuis des nombreuses années, va sûrement laisser des fortes séquelles de part et d’autre.

Au moment où nous rédigeons cet article, plusieurs personnes refoulées n’ont pas encore pu rejoindre Kinshasa et dorment à la belle étoile  dans l’enceinte portuaire de Brazzaville à la merci des pluies. Parmi ces personnes, l’on dénombre de nombreux enfants.

Le Congolais-Brazza a la mémoire courte


Après de tels évènements, il est difficile de croire que le Congolais de RDC considèrerait son voisin de Brazzaville comme un ami. Cela n’est pas de bonne augure, car l’on se souvient que lors des conflits meurtriers que le Congo-Brazzaville avait connu entre 1997 et 99, plusieurs familles furent reçus et hébergés avec dignité de l’autre côté de la rive du Congo. 

Policiers congolais
Les policiers congolais ont commis de sérieux dérapages contre les ressortissants Kinois

Pour un pays qui vit encore dans une paix précaire, tel que l’a démontré les troubles perpétrés par le Colonel Marcel Tsourou et ses miliciens, ce n’était pas peut-être  pasune bonne idée pour les populations congolaises de jubiler sur les abus et les expulsions de l’opération «  Mbata Ya Ba Kolo ».


Économiques


Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est difficile à évaluer parce qu’il est essentiellement dominé par le secteur informel. Les experts l’estiment à près de 32 milliards de francs CFA. Les deux pays partagent une longue frontière commune qui, en fait, n’a de frontière que de nom. En cas de fermeture des frontières, comme moyen de riposte du gouvernement de la RDC, c’est le Congo-Brazzaville qui subira le coût le plus important.

Le Congo-Brazzaville (4 millions d’habitants, dont la moitié vit à Brazzaville) ne peut tout simplement se passer du gros marché que représente la RDC avec ses 77 millions d’habitants. Kinshasa (10 millions d’habitants) à elle seule englobe tout le marché du Congo-Brazza.
Les Grands Travaux du Congo-Brazzaville
Les Congolais de la RDC assuraient une main d'oeuvre importante dans les grands chantiers du Congo-Brazzaville

Des projets d’intégration économique chèrs à Brazzaville comme le pont route-rail entre les deux capitales les proches du monde, pourrait simplement ne plus voir le jour. En effet, si les Brazzavillois se sentent envahis et asphyxiés par les Kinois, à quoi bon ça sert de jeter un pont sur le fleuve?

Déjà avec les expulsions et les départs volontaires de plus de 15 000 Kinois qu’a provoqués cette opération, l’effet domino comment à se faire sentir sur Brazzaville. Les marchés et les épiceries se sont vidés; les petits métiers que les Brazzavillois ne veulent pas faire comme le « Pousse-Pousse », chargeurs, nettoyeurs, cuisiniers, casseurs de pierre ont pris un sérieux coup.

Certes, il reste encore de très nombreux ressortissants de la RDC à Brazzaville, mais la psychose causée par cette tragédie les pousse à ne pas sortir de chez eux dans ces temps qui courent.

Diplomatiques

Les deux chefs d’État n’ont pas voulu commenter les évènements, mais dans les coulisses tout le monde sait que désormais les choses ne seront plus comme avant entre les deux pays frères. Les parlementaires de la RDC sont entrain de pousser leur gouvernement à revoir tous les accords commerciaux et diplomatiques entre les deux pays.
Serge Ibaka
Serge Ibaka, la Star du OKC(NBA) est d'origine du Congo-Brazza(par son père) et du Congo-Kin(par sa mère).

Certes, le Congo a le droit de mettre d’expulser les ressortissants étrangers qui ne sont pas en règle dans son pays, mais cette opération s’apparente à un règlement de compte avec les citoyens originaires de la RDC. Du coup, l’on a oublié ces nombreux commerçants ouest-africains et libanais qui résident et opèrent dans le pays en situation irrégulière. 

On a oublié les pêcheurs Béninois et Ghanéens de Pointe-Noire qui sont pour la grande majorité des sans –papiers, dont certains qui exercent cette activité pendant plus de 30 ans. On parle des opérateurs économiques possédant des embarcations maritimes et même des employés, mais qui vivent illégalement au pays et ne contribuent pas au fisc congolais. Ces pêcheurs étrangers ne possèdent pas de compte en banque, une vraie évasion fiscale qui se fait au su de tous les Congolais et dont personne n’en parle.


Politiques

Le Général Jean-François Ndeguet, Directeur de la Police congolaise.

 La classe politique de la RDC, bien que beaucoup plus éveillée que celle de son voisin, n’a pas habitude de regarder ce qui se passe de l’autre côté de la rive. Mais ne soyons pas surpris qu’il y’aura dans les prochains jours une forte pression contre le pouvoir de Sassou Nguesso venant du Kinshasa. En effet, les débats politiques et le journalisme en RDC est plus critique et virulent qu’à Brazzaville où tout le monde a peur de dire la vérité. 

Tout le monde a peur de débattre sur les questions et les défis du pays. Cela va commencer dès lors que la colère va monter à Kinshasa contre le gouvernement incompétent de Brazzaville, surtout que dans les deux pays la question sur le changement de la constitution commence à faire rage.

Beaucoup pense que « Mbata Ya Ba Kolo » a été lancé pour détourner les Congolais du débat sur la modification de la constitution. On essaie de faire croire aux Congolais qu’il y’a d’abord la question de la sécurité et de l’immigration qui pose problème pour la survie du pays. 

En organisant une opération musclée contre les étrangers, c’est une façon de dire aux Congolais : « Vous voyez comment le pays est envahi par les Kinois? Sassou reste le seul homme capable de préserver le pays contre la banditisme des immigrants ».
Si cette version des faits est vraie, c’est une épée de Damoclès qui pourra se retourner contre la machination du pouvoir congolais.
Le président Joseph Kabila(RDC)

Aussi il y’a des faits étranges ces derniers temps sur le leadership congolais. On constate dernièrement une tendance un peu lâche des autorités congolaises dans les questions de diplomatie et de sécurité avec les pays voisins.

D’abords en octobre 2013 il y’a eu cette crise diplomatique avec l’Angola. Sans raisons officielles, l’armée angolaise a envahi le territoire congolais et occupé plusieurs localités du sud du pays. Le président Sassou a gardé le silence  lors de la crise. Les politiques ont parlé de règlements pacifiques de la crise. On a même vu des parlementaires congolais se répéter sur des louanges d’amitié historique entre les deux peuples qui frôlaient le ridicule. 

Après, il y a eu cette crise avec la RDC sur les expulsions. Sassou a encore gardé son silence et on entend des politiques chanter des louanges sur les liens historiques et de sang entre les deux peuples. C’est complétement ridicule comme leadership.
Lorsque le gouvernement d’un pays qui se respecte prend des décisions, il le fait en toute souveraineté et il en assume les conséquences. On ne peut pas expulser brutalement des étrangers, avec des coups de bâtons, puis venir rappeler les liens d’amitié qui unissent les deux peuples via le canal diplomatique. C’est une attitude indigne et lâche.

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